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Les Arlésiens de ma génération
se souviennent de sa minuscule silhouette affairée, sillonnant
sans cesse les rues de la ville et les drailles des Alpilles, ne
s'arrêtant que pour noter fiévreusement sur son carnet
de croquis les émerveillements qui jaillissaient sous son
regard un profil de femme, un mouvement de jupe, un frémissement
de feuillage, le détail d'un monument, la courbe élégante
d'une arcade, la hardiesse d'une colonne.
Ainsi faisait-il provision de splendeurs.
Alors il se hâtait de rentrer dans son atelier pour fixer
sur la toile les moments de bonheur qu'il venait de vivre et qu'il
entendait nous faire partager.
Yvan Audouard
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En 1937 et
1938, Lelée installe, au Muséon
Arlaten d'Arles et au Musée-Ecole
de la Perrine à Laval, les nombreuses collections issues
de sa belle ouvrage et de ses donations successives, soit au total
mille six cent oeuvres originales offertes à ces deux musées
de 1902 à 1947 et qui représentent autant de précieux
témoins ethnographiques de son génial talent. Fin 38,
Lelée est a nouveau très endetté. Les dons abondants,
les travaux aux deux musées et les décorations de pavillons
impayées ont mis à mal son stock et ses finances, il
doit vendre sa maison et sa voiture. |
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Malgré ses déboires
et ses déménagements, il travaille beaucoup et début
1941, installe son atelier à la Major (la colline la plus
élevé d'Arles), où il retrouve l'ambiance et
la chaleur de ses relations et de ses activités antérieures,
fournissant toujours les nombreuses commandes et participant notamment
à l'animation de la ville au sein du Comité des Fêtes
dont il est membre d'honneur.
"Arlésienne graffiti" à la plume et encre
de chine - 1927 - Col. Museon
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Le 27 juin 1942, Rosa Lelée meurt.
Cette même année, plusieurs autres disparitions l'affectent
énormément : Mme Mistral, le Marquis de Baroncelli,
son ami le poète grec Costis Palamas et sa mère alors
âgée de 94 ans.
Intronisé "Grand Maître du Costume" en 1945,
il fut élu par ailleurs administrateur du Muséon après
le décès de Férigoule. Fernand Benoit, Conservateur
en Chef, lui avait écrit: "Nous avons pensé
que ce serait honorer le Musée que de vous voir dans ce Comité.
Nul mieux que vous ne sera capable d'en conserver l'esprit".
Il réalise entre autre "la carte du pays d'Arles"
pour le n°1 de la "revue d'Arles" en 1941.
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Ils sont nombreux les foyers d'Arlésie, et souvent les
plus modestes, où ses toiles rappellent que la vocation
éternelle de la Provence est de continuer à créer
de la joie de vivre en mettant son énergie au service de
la beauté.
Frédéric Mistral neveu tient à
cur de parachever ce que son oncle aurait tant souhaité
: réaliser une édition de "Mireille" illustrée
par Lelée. Mais la maladie latente, aggravée par l'âge
et la sédentarité, restreint ses activités,
les forces ne le suivent plus.
A à sa mort ses études seront toujours inachevées.
En 1950, la fille de Lelée, Yvonne, aussi altruiste que son
père, offre les illustrations de Mireille au Muséon.
Compte tenu de l'amitié qui la lie à Fernand Benoit,
on omet de parler de reçu. De sorte que si la relique n'est
plus chez la titulaire du droit moral, elle n'est pas tout à
fait non plus au Muséon où officiellement elle n'est
pas entrée : le document est condamné à vivre
enserré dans le noir d'un coffre.
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Agé
de 75 ans, Léo Lelée meurt le
26 juin 1947,
soit exactement cinq ans, jour pour jour, après le décès
de Rosa
Né lors de la création de la carte postale, dont il
fut le génial illustrateur, Lelée eut le rare privilège
d'être accompagné dans sa dernière demeure par
les représentants de quatre vingt sept nations, réunis
à Arles pour un Congrès postal international.
La Providence qui veillait si bien
sur sa destinée permit aussi que, chaque soir au soleil couchant,
l'ombre du clocher de la "Major" vienne effleurer sa tombe.
Et cet étrange et solennel salut quotidien de l'église
des Gardians, des "chato" et des Reines, la plus haute
et la plus ancienne d'Arles, sacralise davantage encore l'épopée
de Lelée comme la pérennité de son oeuvre.
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Lelée dans son atelier
- Photo d'E.Barral - Col. Museon
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Depuis le jour lointain où il découvrit
Arles, il n'a plus quitté la région qui l'enchanta.
Il est devenu Arlésien ; par les yeux d'abord, puis par le
cur et par l'esprit...
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Il oublia tout, famille, amis, il se fit une âme
provençale. Il n'aima plus que le ciel, que les cigales,
ces femmes aussi harmonieuses que les exquises Tanagras... Il se
donna tout entier à sa petite patrie d'adoption dont il allait
devenir le peintre, le grand peintre, car on ne saurait trop affirmer
que son nom restera dans l'histoire du folklore français
comme celui du plus grand des peintres et dessinateurs de notre
époque.
Jules Trohel
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